Cunac
Environnement
Par D'Harlingue Julie
Publié le 11/12/2020 à 16:24

Dossier : Vers une disparition des vignes d'ici 2050 en Occitanie ?

Souvenez vous, la terre. Il y a 3 ans. Les feuilles cramées par la sécheresse. Et des vignerons, effarés. Toute l’Occitanie était touchée par un épisode de sécheresse.

Entre 2013 et 2018 l’Occitanie, premier vignoble de France en terme d'hectare a vu ses surfaces chuter de 30 %.

Conséquences des difficultés financières, des  primes à l’arrachage ou encore du réchauffement climatique …

Alors comment l’Occitanie va t-elle pouvoir adapter ses 270 milles hectares de vignes ? Dossier. 


> Le boîtier pour mesurer l'humidité

Sinafis, c’est une entreprise créée en 2016 qui s’est donné pour mission de démocratiser la technologie dans l’agriculture d’abord, et notamment dans les vignes. L’entreprise a développe un outil low cost, fiable et produit de manière industrielle, ce qui permet de baisser les coûts. Un business model basé sur la location et non la vente pendant 3 ans, sous forme de forfait tout compris (matériel, accès internet, sav).

Ce dispositif créé en 2017, c’est un boitier avec une sonde à l’intérieur qui mesure température et humidité de l’air, un indicateur gps, et un modem sigfox. Rattachée au boitier, une sonde qui mesure l’humectation d’une feuille (humidité, rosée), et une sonde de sol à planter au pied des vignes. Toutes ces données sont transmises en temps réel via le réseau sur le site internet pour consulter ces observations. L’idée c’est d’observer les besoins en eau, en produits phytosanitaires, pour réduire un maximum ces usages. Et donc faire des économies. Un outil au quotidien qui permet de savoir quand arroser ou épandre dans les vignes selon les observations relevées par ce dispositif. En moyenne, c’est 10 à 15% de produits phytosanitaires en moins, et 5 à 15% d’eau en moins. Mais chez certains, comme ce viticulteur basé à Cunac près d’Albi, c’est 25% de produits phytosanitaires en moins. Sébastien Ferral, 47 ans qui a repris l’exploitation familiale, utilise cette technologie dans ses 20 hectares de vignes depuis 2 ans. Il produit exclusivement du vin rouge à base des cépages gamay, duras, braucol.


Aujourd’hui, ce sont près de 200 boitiers Sinafis dans les vignes d’Occitanie.


> L'enherbement, technique ancestrale 

À cheval entre Aigues-Mortes et le Grau-du-Roi, entouré de part et d'autre de salins, le Domaine Royal de Jarras s'étend sur 900 ha, dont 420 ha de vignes. Depuis sa création en 1883, le domaine a su évoluer avec son temps et s'adapter aux changements climatiques. Converti en bio depuis 2019, le domaine est sensible à son impact écologique. Dans un environnement à la biodiversité typique, la Camargue, les vignes ne sont pas plantées dans la terre mais directement dans du sable. Cette singularité accentue la problématique de l'irrigation des pieds, le sable ne retenant pas l'eau. Le domaine a opté pour la technique de l'enherbement des vignes. De l'orge, du seigle et des trèfles sont plantés entre les rangées pour conserver la fraicheur et l'humidité dans le sol. Une technique qui évite l'utilisation de désherbant et réduit le travail au sol des machines. Si la technique de l'enherbement des vignes durant l'hiver est utilisée depuis des décennies au domaine royal de Jarras, cette année, l'équipe teste un enherbement à l'année, sur une parcelle de 8 ha. Déjà semé, le trèfle commence a sortir malgré le manque de pluie de cet automne. D'ici quelques semaines, un troupeau de moutons viendra pâturer dans les vignes pour brouter l'enherbement, afin d'éviter que les herbes ne deviennent trop hautes. 


> Les panneaux photovoltaïques pour faire de l'ombre

En 2018, Pierre Escudié installait pour la première fois un dispositif innovant : des panneaux photovoltaïque au dessus de ses vignes. Il a fait le choix de l'agrivoltaïsme sur 5 hectares de son domaine, car avec le réchauffement climatique et l'important ensoleillement dans les Pyrénées-Orientales, la vigne est de plus en plus impactée (un mauvais fruit donc un mauvais rendement). Ces panneaux, qui produisent aussi de l'électricité, permettent de protéger la vigne en faisant donc de l'ombre. En effet, ils sont pilotés automatiquement à partir d'algorithmes, ainsi chaque rangée est ombragée à un moment donnée.


Pierre Escudié n'a pas encore récolté sur cette parcelle, puisqu'elle a été plantée au moment et en fonction de l'installation photovoltaïque. Mais il sait déjà que la qualité de son raison sera mieux car il est moins exposé au changement climatique. De plus ce système permet de diminuer sa consommation d'eau, avec une évaporation de 20 à 25%. Un projet qu'il a pu réaliser par le biais de l'entreprise Sun'R. Son exploitation familiale a connu huit générations, pour lui le monde viticole est en crise, change, c'est pourquoi il est essentiel pour lui de trouver des solutions notamment dans les Pyrénées-Orientales si l'on veut que le culture de la vigne perdure, et reste de qualité.


Selon Sun'R, d'ici 2050 la surface des terres européennes dédiées à la culture de la vigne diminuera en moyenne de 68% à cause du réchauffement climatique. Un réchauffement qui provoque donc une maturité précoce des raisins, une augmentation du taux de sucre et donc du degré d'alcool, une chute de l'acidité des vins, un besoin en eau accru et l'augmentation de la température et de l'ensoleillement altèrent les saveurs du vin... C'est pourquoi, beaucoup de vignerons cherchent des solutions pour s'adapter.



 > Une expérience de plantation de cépages en altitude 

Le vignoble de Banyuls-sur-Mer est très atypique, entre met et montagne, il est connu pour son architecture si particulière avec ses terrasses. Laurent gère ici 10 hectares de vieilles vignes, certaines datent des années 40. Le réchauffement climatique il le voit et surtout sur ces dernières années. Car au delà des pics de températures en période estivale, le plus inquiétant est la moyenne annuelle et notamment les températures, comme en ce jour en plein mois de novembre où il fait plus de 15 degrés. Un changement climatique qu'il a aussi constaté sur les vents, et le département des Pyrénées-Orientales est bien connu pour sa tramontane véritable traitement naturel pour les vignerons. En effet, ce vent sec permet d'éliminer les insectes ou maladies qui se seraient posés sur les vignes. Hors désormais le vent dominant est celui du sud, et cela change la donne...


C'est pourquoi, il est plus que temps pour lui que des changements rapides de méthodes s'opèrent. Laurent fait donc parti du projet "Reconquesta Côte Vermeille". Les vignerons du cru Banyuls Collioure se sont rassembler pour ce projet territorial du vignoble de la Côte Vermeille, il vise à remédier à toutes les difficultés qu'ils rencontrent : problématiques foncières, notoriété et communication mais aussi transition écologique. Chaque année ce vignoble perd 50 hectares, ils cherchent donc à se réinventer.


13 projets ont été mis sur la table, et lancés depuis cet été. Parmi eux, le lancement d'une étude agro-écologique et climatique qui doit voir naître un cahier des charges dont pourront se servir les vignerons. Il devrait émerger des techniques de culture nouvelles. Un autre projet phare est qu'ils vont mettre en place des vignes expérimentales, comme des vignes en altitude. L'idée est de trouver comment adapter le vignoble et le cru sur un autre territoire.