Carcassonne
Culture
Par Alice Rolland
Publié le 05/07/2019 à 18:53

[INTERVIEW] Haïdouti Orkestar, fanfare engagée

Festive, métissée, tout-terrain, Haïdouti Orkestar est une fanfare balkanique révélée en 2016 par la B.O. du film La Vache, co-signée avec le trompettiste Franco-Libanais Ihrahim Maalouf, qui l’embarque avec lui en tournée cet été. Rencontre avec Sylvain Dupuis, son batteur, tapaniste et leader engagé… avant les concerts à Carcassonne, le 8 juillet et au Théâtre antique d’Arles, le 9.

Haïdouti Orkestar regroupe des musiciens d'origines très différentes, comment est né ce projet ?

J’avais un groupe turc dans les années 2000, ce qui m’a permis de découvrir toute une communauté de musiciens turcs et balkaniques à Paris. En parallèle, j’avais un pied dans le petit monde des musiciens parisiens. Dès la création du groupe en 2006, j’ai eu envie de créer des passerelles entre ces milieux. Aujourd’hui, je revendique le fait que nous sommes un groupe métissé.


Brass Band, fanfare balkanique, orchestre tzigane… Comment doit-on vous appeler ?

On est une fanfare balkanique à la rencontre des musiques turques et orientales. Très vite, j’ai voulu utiliser la fanfare pour aller vers d’autres musiques. On a intégré un chanteur turc originaire d’Antioche, à 80 km de la Syrie, qui parlait et chantait en arabe, et on s’est intéressés au répertoire syro-libanais. Puis on a ouvert à l’Arménie, à l’Azerbaïdjan… Une ouverture essentielle pour nous. Dans nos albums il y a du slam, du jazz… On a même invité un guitariste Congolais, du jamais vu dans une fanfare des Balkans !


Vous revendiquez la volonté de soutenir les «minorités silencieuses».

Je fais partie de ceux qui font de la musique pour porter un message, j’aime donner du sens aux choses. L’actualité nous a rattrapés, que ce soit la guerre en Syrie ou le problème kurde, qui s’est réveillé ces dernières années. La musique est un moyen de parler de minorités écrasées par les aléas politiques, comme les Kurdes et les Roms. Interpréter une de leurs chansons, c’est leur redonner une voix. J'aime l’idée que des Kurdes, des Turcs, des Roms et des Serbes puissent jouent ensemble, dans le même concert. Notre danseuse est Espagnole, notre saxophoniste Roumain. C’est quand on ne se rencontre pas que naissent la peur et le repli.


Cet été, vous faites une tournée de 15 dates avec le trompettiste Ibrahim Maalouf, 3 ans après avoir cosigné la B.O du film « La Vache ».

Avec Ibrahim, on s’est connus il y a une douzaine d’années. Il a joué dans notre groupe pour plusieurs concerts et sur nos trois premier albums. À l’époque, il était connu des musiciens, pas du grand public. On a toujours gardé le contact, il nous a invités sur la scène de l’Olympia en 2014. En 2016, Mohamed Hamidi, le réalisateur du film La Vache, souhaitait un groupe déambulatoire pour son road movie entre l’Algérie et la France : Ibrahim a tout de suite pensé à nous pour la B.O. Quelques mois plus tard, on a fait ensemble une reprise de Pulp Fiction à la cérémonie de clôture du Festival de Cannes. Ce qui encore renforcé les liens entre Ibrahim et nous. Trois ans après, il pense à nous pour sa tournée d’été : ce n’est pas rien, c’est notre première tournée ! On sera vingt artistes sur scène, 19 musiciens et une danseuse.

 


 

Quels sont vos points communs ?

Une esthétique musicale commune. Ibrahim est Franco-Libanais, il joue de la musique orientale, même s’il va vers le rock et le jazz. Comme nous, il est friand de rencontres et de métissages, il n’est pas qu’un jazzman. Il vient de finir un album sur Cuba !


Un nouvel album en prévision ? Avec ou sans Maalouf ?

Un album oui, mais sans Ibrahim, on ne veut pas tomber dans ce piège là. On travaille actuellement sur une création avec l’artiste iranienne Rana Gorgani : une danseuse derviche, ce qui est assez rare pour une femme. Nous collaborons aussi avec Rusan Filiztek, un musicien kurde de grande qualité, chanteur et joueur de saz, un instrument à corde kurdo-turque. C’est un stranbej, un troubadour, un porteur de messages, un peu comme un griot. Quand tu es kurde, tu es forcément engagé, tu ne peux pas être étranger à la cause. Nous allons sûrement enregistrer un titre ensemble sur le prochain album.


Un coin de paradis qui te tienne à cœur ?

Je suis un fanatique des Cévennes, j’aime la liberté des gens là-bas !




Le 8 juillet à 20h30 à Carcassonne. Ibrahim Maalouf invite Haïdouti Orkestar, dans le cadre du Festival de Carcassonne. De 44€ à 54€. www.festivaldecarcassonne.fr

Le 9 juillet à 21h30 au Théâtre antique d’Arles. Ibrahim Maalouf invite Haïdouti Orkestar, dans le cadre de la 24e édition du festival Les Suds. De 50€ à 80€. www.suds-arles.com

 

Le 20 juillet à 20h à Perpignan. Ibrahim Maalouf invite Haïdouti Orkestar, dans le cadre du festival Live au Campo. De 45,40€ à 65,40€. live-campo.com