Conqueyrac
Culture
Par Alice Rolland
Publié le 09/08/2019 à 08:25

[INTERVIEW] Piers Faccini, poète sans frontières

Musicien, poète, peintre et directeur de label, le chanteur anglo-italien Piers Faccini ne cesse de dévoiler des facettes de son art. Rencontre avec un cévenol d’adoption inspiré, conteur d’une Méditerranée métissée et tolérante. Entretien avant son concert du 17 août à Conqueyrac (30) dans le cadre de La Route de la voix.

Votre 6 album I dreamed An Island est un voyage musical autour de la Méditerranée.

L’album a été conçu comme une utopie musicale et politique. Je parle de moments de l’Histoire pendant lesquels il y a eu une grande cohabitation entre peuples et religions. Comme la Sicile du XIIᵉ siècle, le moment le plus métissé, le plus cosmopolite de l’histoire de la Méditerranée. C’est une collection de mémoires, une célébration de racines entremêlées. Dans le climat actuel, ce travail de mémoire est important.

 

D’origine italienne, vous êtes né en Angleterre et vous habitez en France avec votre famille. Ces racines entremêlées, ce sont aussi les vôtres ?

Un peu comme mes enfants qui parlent trois langues, l’italien, l’anglais et le français. Dans ces chansons, j’évoque ma généalogie : mes grands-parents paternels et maternels étaient tous des immigrés en Angleterre. Anglais de culture mais pas d’origine, je raconte le chant de mes racines. J’ai aussi beaucoup voyagé, pendant les tournées, mais aussi en lisant et en écoutant de la musique. J’ai toujours été très inspiré par les musiques africaines, créoles, du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord, des États-Unis et bien sûr la folk des Îles Britanniques.

 

La chanson Bring down the wall sonne comme un appel à la tolérance.

Cette chanson parle du fait qu’on est tous des enfants d’immigrés. C’est un appel à voir ce qui se passe aujourd’hui et un rappel de nos origines. On dit que la musique n’a pas de frontières, je ne suis pas d’accord. Heureusement qu’il y a des frontières, mais ce ne sont pas des frontières d’État, plutôt des lignes entre des traditions musicales qui ont évolué au fil des siècles. Il n’y a pas de garde à la frontière de ces musiques pour nous empêcher d’y accéder. Si je chante Bring down the wall, ce n’est pas pour nous réduire à une identité homogène. Au contraire, c’est célébrer la différence et le métissage, les conversations et le dialogue. Pour cela, il faut faire tomber les murs.

 

 

 

Vous produisez d’autres artistes sur votre label Beating Drum, en quoi ces projets vous intéressent?

Ce que je fais avec mon label, c’est un peu comme du parrainage car les gens qui m’écoutent et me suivent me font de plus en plus confiance. J’ai commencé une série d’EP 4 titres qui s’appelle Hear my voice. Même si je travaille sur ces projets en tant qu’arrangeur ou musicien, j’aime l’idée de pouvoir présenter d’autres voix qui ont une vraie originalité, une vraie place.

 

Vous réalisez vous-même les illustrations et le graphisme de vos albums, vous êtes un artiste accompli ?

J’aime jongler entre les disciplines. Plus jeune, je pensais que c’était problématique, mais maintenant ça me va bien comme ça. Cette capacité de naviguer entre musique, arts plastiques et graphisme m’est très utile parce que j’ai un petit label indépendant qui n’a pas beaucoup d’argent, donc le plus je peux faire, le mieux c’est. J’ai aussi co-réalisé trois clips sur ce dernier album avec le réalisateur suisse Cyril Gfeller : les titres Bring down the wall, Cloak of Blue et To be Sky.

 

Vous habitez dans les Cévennes depuis 13 ans, vous y avez même votre propre studio d’enregistrement. Un refuge indispensable ?

C’est très basique, juste quelques micros et outils pour faire des belles prises. C’est surtout un lieu où la musique sonne et où je peux jouer quand je veux. Je suis assez solitaire, c’est un lieu où je peux travailler tout seul, tranquillement, je suis dans les bois, c’est vraiment génial.  De temps en temps j’y accueille aussi des artistes. Quand j’étais à Londres, je rêvais d’avoir un endroit où je pouvais créer à n’importe quel moment du jour et de la nuit.

 

Une journée de vacances idéale ?

Il me faudrait un carnet et une guitare pas trop loin. Et une plage avec peu de monde et beaucoup d’ombre ! (rires) Ce que j’aime dans les Cévennes, c’est qu’on peut toujours trouver un petit coin de rivière… 

 

Le17 août à Conqueyrac (30) dans le cadre de La Route de la voix. 16€. Résa. au 04 67 71 35 42.