Créatrice de l’affiche des ferias de Nîmes en 2023, Nicole Bousquet invite Sylvain Fraysse, auteur de cette même affiche dix ans plus tôt au sein de son atelier. Comme Eduardo Arroyo, Nicole Bousquet et Sylvain Fraysse sont les trois seuls artistes à avoir proposé un portrait pour illustrer le fameux cartel. Comme un trait d’union pictural entre l’artiste nîmoises et son confrère sétois devenu incontournable dans l’exercice si sophistiqué de la gravure.
Deux artistes qui ont évidemment la culture taurine en partage même si celle-ci ne résume pas leur oeuvre. Chez Sylvain Fraysse, l’art du portrait montre un aspect de ce que José Bergamín titrait « la solitude sonore du toreo ». Comme une forme de mélancolie et d’intériorisation qui transparaît dans ses oeuvres, à un moment où le temps semble suspendu.
Une proposition artistique que Sylvain Fraysse a étendue à d’autres illustrations inédites, comme des portraits taurins publiés dans un ouvrage de Jean-Marie Magnan ou encore des séries de captures d’écran saisies pendant le confinement sur des sites internet classés X. Pour l’artiste héraultais, passée la nudité ou l’exhibition sexuelle, le sentiment de solitude est le seul qui demeure chez les femmes et les hommes qui se dévêtissent face à leurs webcams.
Une réflexion à visée esthétique, qui ne tombe jamais dans la vulgarité et qui interroge sur ce que voit l’oeil. Comme la caméra subjective qui a suivi pendant dix jours le torero biterrois Sébastien Castella lors de sa campagne estivale célébrant ses dix ans d’alternative. Un objectif qui vient saisir, toujours en noir et blanc, l’intimité du monde intérieur du torero officiant. Son introspection, son temps suspendu et sa solitude. À l’instar d’un José Tomás, voletant au-dessus d’un arc de cornes et flirtant toujours avec la mort.
Au-delà des métaphores suggérées, l’oeuvre de Sylvain Fraysse actualise notre rapport aux images et à leur contemporanéité. Un fil rouge qui fait également dans le 7e art avec deux oeuvres librement inspirées des filmographies d’Ingmar Bergman et Alfred Hitchcock. Une image figée sur la bande-annonce de Psychose met en lumière une question essentielle du maître du suspense, posée par le réalisateur en personne, montrant le tableau par lequel l’assassin espionne ses victimes : « cette image a une grande signification ».
Toutes celles présentées jusqu’au 19 juin au sein de l’exposition visible à l’atelier de Nicole Bousquet, 2 rue du Cirque romain, feront assurément sens aux yeux les plus avertis comme aux autres…
Interview : Sylvain Fraysse (artiste).