Tautavel
Culture
Par Crouzet Thierry
Publié le 30/03/2025 à 15:00

REPLAY Tautavel, Vivre en Europe avant Néandertal

Bien avant l’arrivée d’Homo sapiens ou même de Néandertal, d’autres humains ont habité le territoire français pendant d’intenses périodes de glaciation. Un lieu en particulier a été le témoin de leur passage : la grotte de Tautavel en France, au pied de la chaîne pyrénéenne. Comment ces anciens humains ont-ils survécu dans un environnement si rude ? En s’appuyant sur les dernières découvertes scientifiques, le film change le regard porté sur ces lointains ancêtres dont les capacités cognitives ne cessent de nous surprendre.


Disponible en Replay 7 jours du 30 mars et jusqu’au 6 avril 2025

Dates et horaires des diffusions sur viàOccitanie : dimanche 30 mars à 14h55, jeudi 3 avril à 17h30, samedi 5 avril à 20h, jeudi 10 avril à 21h, dimanche 13 avril à 11h et mardi 15 avril à 22h.


La grotte de Tautavel est fouillée depuis plus de 60 ans. Le 22 juillet 1971, l'équipe d'archéologues dirigée par Henry de Lumley et son épouse Marie-Antoinette fait une découverte exceptionnelle : un crâne humain parfaitement conservé. Il s'agit alors du plus vieil humain d'Europe ! Il est prénommé ARAGO 21 car il s'agit du 21ème fossile humain exhumé de la Caune de l'Arago à Tautavel.

L'Homo heidelbergensis

On sait aujourd'hui que cet humain appartient à une espèce encore méconnue : les Homo heidelbergensis, un ancêtre des Néandertaliens qui nous ont légué 3 % de notre patrimoine génétique. Comme l'explique la paléoanthropologue Amélie Vialet : « Nous portons dans nos gènes la trace de ces Néandertaliens, donc très probablement, nous portons aussi la trace des ancêtres des Néandertaliens, les Homo heidelbergensis ».

Sa morphologie se rapproche de celle de Néandertal avec notamment un bourrelet au-dessus des yeux et un menton en retrait. Désigné comme « L'homme de Tautavel » en raison de sa robustesse, les archéologues ne peuvent aujourd'hui affirmer qu'il s'agit d'un individu masculin ou féminin. Selon eux, les fossiles humains retrouvés dans la grotte à différentes périodes appartiendraient à 32 individus différents dont 8 contemporains du crâne Arago 21.

Découvertes et mode de vie

Aux côtés des ossements humains, on trouve également d'innombrables fossiles d'animaux, ainsi qu'un très grand nombre d'outils de pierre taillés1.

Le portrait d'Homo heidelbergensis se dessine peu à peu :

Une espèce qui devait résister au froid glacial en se couvrant de peaux de bêtes, tel que le démontre le chercheur allemand Ivo Verheijen. Selon lui, la première apparition du vêtement serait intimement liée à l'adaptation au froid glaciaire de l'Europe. Les humains se couvraient de peaux d'ours mais également à Tautavel semble-t-il de peaux de mouflons.

Une espèce qui partageait une technique commune pour tailler ses outils en forme de biface mais qui disposait également, selon la paléontologue Carla Giuliani, de techniques de chasse sophistiquées. Ces chasses de masse sont le signe d'une intelligence collective avec des comportements complexes transmis au sein du groupe.

Selon la paléoanthropologue Amélie Vialet, parce qu'ils vivent en groupe, et qu'ils ont des stratégies en commun, les Homo heidelbergensis auraient un système de communication évolué. Par le biais du programme "Origin of speech" dont les premiers résultats ont été rendus au printemps 2023, les chercheurs tentent de réaliser une modélisation des sons humains des origines.

Survie en milieu extrême

Une étude publiée en mars 2021 à partir d'ossements humains trouvés à la même époque que Tautavel sur le site d'Atapuerca en Espagne a noté des signes de variations saisonnières caractéristiques sur les os. Ces observations laissent à penser que ces pré-néandertaliens auraient subi une perturbation annuelle de leur croissance osseuse, similaire à celle des espèces en hibernation. Néanmoins, les archéologues ajoutent qu'il s'agirait plutôt d'un sommeil profond appelé « torpeur » provoqué par le manque de nourriture lié à une période d'aridification du nord de l'Espagne.

Comportements intrigants

Les fouilles à Tautavel ont par ailleurs révélé aux archéologues un comportement pour le moins intriguant. Les strates de fossiles sont constituées de restes de repas, mais des os humains ont également été retrouvés dans cette « poubelle préhistorique » mélangés à ceux des animaux. Ils ne faisaient pas partie d'une sépulture : ils auraient été cannibalisés !

Découvertes à Atapuerca

L'enquête se prolonge à nouveau sur le site d'Atapuerca :

La grotte de Gran Dolina, datée à 850 000 ans, permet de remonter à la source du cannibalisme humain.

La grotte de la Sima de los Huesos contient la première preuve d'un rite mortuaire aussi ancien, il y a 430 000 ans !

L'archéologue Ana Gracia Tellez y a fait une découverte qui a bouleversé nos connaissances sur les sentiments des humains de l'époque : le crâne d'une enfant de 10 ans atteinte d'une malformation congénitale. Cette enfant, que la chercheuse a prénommée Benjamina, devait être incapable à cause de son handicap de marcher ou de se nourrir. Ce fossile nous prouve qu'il y a 430 000 ans déjà les humains pratiquaient l'entraide aux plus fragiles car cette enfant n'aurait pas pu survivre jusqu'à l'âge de 10 ans sans la solidarité de tout son entourage.

Même s'ils vivaient il y a un demi-million d'années, dans un environnement extrême en mangeant parfois leurs congénères, les ancêtres de Néandertal avaient un trait de caractère qui en fait notre égal, un humain à part entière : la compassion.


Un film d’Emma Baus, produit par Anne Labro.

Une coproduction Tangerine productions / Minimum Moderne / viàOccitanie

Avec la participation de France Télévisions et de Ushuaïa TV

Et le soutien du Centre National de la cinématographie et de l'image animée, de la Région Occitanie, de la Procirep et Angoa